Vexin Normand 3
Les quatre saisons
L’automne est une symphonie de couleurs mordorées car les essences y sont nombreuses. Le flamboiement des érables éparpillés dans les bois jouxte les jaunes d’or des saules, les charmes n’en manquent pas, et les verts et bleus foncés des sapins accentuent le toute la palette.
Les champignons ballonnent dans les pâtures et les bosquets…Hummmm ! Ces vaillants petits rosés ! Les coulemelles et les coprins chevelus (à ne pas mêler à l’alcool) se regroupent en troupeaux aux mêmes emplacements... Les cèpes et les morilles s’isolent dans des endroits soigneusement dissimulés, les petites vesces blanches et pulpeuses qu’il faut prélever très jeunes s'affichent au bords des sentiers ou des sous-bois.…Une ballade, panier sous le bras, et vous êtes sûrs de ramasser ce qu'il faut pour cuisiner une omelette d'enfer !
Le piquant des châtaignes éclate. Les fruits lisses et fauves vont régaler les bêtes comme les gens, les uns par besoin, les autres par plaisir. (Gâteau de châtaignes : il faut simplement remplacer la farine par des châtaignes écrasées).
Les vieilles souches
aux écorces crevassées et striées de mille rides biodégradables teignent par
place d’ocres les collines, que les dernières fleurs de la saison tâchent par
paquets. La forêt de Lyons, une hêtraie à l’origine plantée par les rois pour
alimenter en bois de construction (inaltérable à l’eau de mer) leur flotte
navale, est immense (plus de
Nous ramassons aussi les noisettes.
… L’automne une saison souvent douce et sereine en Vexin Normand. L’automne aménage le sommeil…
L’hiver, la neige blanchit de
temps en temps le sol de quelques centimètres, bien sûr, mais
Certains matins, une ouate profonde envahit tout… on entend le glouglou des ruisseaux qui pétille encore imperceptiblement sous la fine pellicule de glace qui se forme les jours de gel. Les chants d’oiseaux et les cliquetis des branches dénudées offrent leurs sonorités dans un paysage atténué de détails, ce qui accentue son « flou ». L’hiver est un orfèvre qui sertit de givre blanc et scintillant toute chose, et les nuits les éclairent d’une lueur glacée.
Cependant, le brouillard qui assourdit les sons et atténue les couleurs de son haleine moite et froide n’empêche pas la fureur des éléments. Il faut entendre alors les sifflements des vents et le fracas des arbres se brisant dans les orages ou lors des tempêtes. Les arceaux des arbustes-lianes se fouettent alors violemment sous la bise, les animaux se terrent, tout ce que le givre figeait dans le calme du froid s’envole dans une cacophonie naturelle et véhémente.
…L’hiver est aussi à mon idée la meilleure saison pour observer la course des étoiles et des planètes.
C’est la saison de l’inhibition... Il est comme une rémission, terré et profond...ce sont ses racines qui le renforcent...
Le printemps oppose à l’été qu’il prépare imperceptiblement ses fleurettes basses à celles de la saison suivante, plus hautes, parfois géantes.
Les violettes sont sauvages et disparates, j’en ai même d’une couleur quasiment grenat dans mon jardin. Je pense sans en être tout à fait certaine qu’il s’agit d’une variété de la fameuse Violette de Rouen, une plante endémique. Les timides perce-neiges les devancent de peu, et je certifie que cette fleur porte bien son nom : en cas de neige, leurs aréoles frisottés de vert clair dessine de minuscules cercles de dentelle en bouquet. Puis les anémones blanches et graciles, aux feuillages découpés et veinés de noir, éclairent les muscaris, violet profond. Les jonquilles plus jaunes que le soleil à l’aube et les primevères pourpres, crèmes ou orangées les suivent de près. Les jacinthes mauves, élancées, échancrent l’orée des bois d’un tapis fragile et mouvant. Les sceaux de Salomon (je ne suis pas sûre de l’orthographe de ce pluriel), les muguets et les coucous s’installent peu après, alors que les iris commencent à peine à colorer de teintes diverses leurs corolles encore repliées sur elles-mêmes. Les cistes déploient enfin leurs camaïeux roses.
L’atmosphère s’imprègne du parfum des lilas ; les pommiers, neigeux et tremblants, déterminent une toile rupestre et pastelle parcourue par des millions d’animaux qui s’éveillent à la vie et se hâtent de bâtir.
Les douces vaches noires, blanches ou brunes, promènent un pas débonnaire sur leurs territoires réservés…
L’air retentit de musique indomptée, de vrombissements d’élytres et de froissements d’ailes.
Les arondes (hirondelles de fenêtres) bâtissent ; les mésanges troglodytes façonnent un semblant de tunnel dans mon mur vétuste, derrière la grange. Les écureuils auburn descendent des arbres. Ils sont d’un roux fauve très foncé par ici. Toutes les prairies regorgent de rosée à l’aurore et brillent d’un éclat mouillé le temps d’un lever de soleil. Puis l’évaporation tamise d’un voile léger et fugace la plaine. Le temps qu’il fait et le temps qu’il est s’harmonisent alors à l’amble.
…Le printemps est le symbole de la résurrection…
L’été est là. Son odeur de graminée qui fleure parfois le pain cuit, bien avant la fenaison, active chez moi des envies de dodos dans les foins !!!
Mais il faut avouer que j’investirais avec le même plaisir les sombres sous bois aux fragrances de mousses et de fougères, avec leurs racines torturées et sculptées de reflets et leurs feuillages tour à tour immobiles ou bruissants.
Bientôt nous irons collecter les diverses races de mûres pour les « confiturer ».
Le chèvrefeuille aux senteurs vanillées, l’églantier à l’arôme subtil, les verges d’or et l’épice des giroflées embaument par effluves, et les « fils de la vierge » tissent un impossible sentier vacillant et aérien.
Les aulx sauvages, les prèles et les massettes, le serpolet et les joncs vous griffent amoureusement les mollets lorsque vous les traversez. Les champs sont pleins de petites pensées de toutes les couleurs, de linéaires, de trèfles incarnats, de chélidoine, la plante aux nombreuses vertus, le plantain qui soulage efficacement les piqûres d’insectes, et tant d’autres…
Les orchidées sont nombreuses aussi : il y a celle qui ressemble à un petit frelon, celle qui est rose vif et en cône, aux pétales très serrés, celle qui, blanche et rose, porte sur sa tige de petites fleurs espacées. Je les ai toutes longuement observé, tranquillement installée à même les herbes, pour repérer les insectes qu’elles attiraient.
Les talus sont tapissés de liserons rampants, aux petites jupes inversées et rosées, et si serrées que le sol parait s’habiller de papier crépon. Les raiponces, les boutons d’or et les gentianes jaillissent des bords des sentiers et des routes. Les marguerites s’étalent aux côtés des reines et des sauges des prés. Les digitales et les campanules embrassent les ombellifères, et les bouquets champêtres fleurissent dans les maisons de briques rouges ou de pierres.
Coccinelles et gendarmes rougissent les plants, les chenilles dévorent même les orties, et les papillons zigzaguent en rasant les corolles.
Le fourmillement des insectes terrestres ressemble à un embouteillage parisien, et les animaux volants décorent le ciel d’arabesques compliquées ; l’alouette fixe un moment un point d’un champ, puis y plonge tout à coup, en stridulant. Les poussins des prairies criaillent en courrant derrière leurs mères.
Je vois parfois le renard passer… ce n’est pas qu’une chanson… J
À l’ouest, un champ d’avoine, incliné car légèrement pentu, saigne de coquelicots…la vibration émise par ce tableau surréaliste, mouvance et émotion, est de l’ordre du divin…
…L’été est moisson, l’été est chaleur, l’été est l’explosion de la vie…Même ses tempêtes rendent la transparence de l’air plus vive, plus rayonnante…
En toutes saisons, les parfums des menthes velues ou aquatiques vous accompagnent plus ou moins.
Les exhalaisons de
J’y navigue régulièrement, prenant des notes et préservant ce que je peux, apprenant encore à distinguer l’observation de l’inférence de mes actes. Apprenant toujours…
J’ai la chance de
vivre dans un endroit, dont l’espace non habité était originellement recouvert
de déchets humains et en friche, pour générer mon jardin et supplanter
humblement à
Sourire à tous et à toutes.
feuilllle