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Feuilllle, Itin'Errance et Natur'Ailes
31 juillet 2010

Bruno.

<p>I Faire belle bouche</p><p>I Faire belle bouche</p>

I Faire belle bouche.

« -Bruno, fait « belle bouche, » mon chéri !


L’enfant rêveur et très jeune retire bientôt ses dents du haut posées sur sa lèvre inférieure, rosée et gercée à force de les supporter.

Du coup, il ôte également ses doigts de la main gauche de son oreille du même côté, qui est devenue rouge sombre à force d’être triturée et pliée.

La fillete observe, elle-même est en train de chiffonner de vieux tissus de grand-mère, pour apprendre à les repasser ensuite, du moins dans sa tête ; elle se souviendra toujours de cet instant fugace et chaleureux, car sans rien en dire elle pense qu’une maman, c’est drôlement vigilant, et drôlement attentionné. Elle ne s’en était pas rendu compte avant.

La cousine a quelques années de plus que ce fils.


La maman repart dans l’arrière cuisine avec sa mère, la Mémé, qui sourit de la petite porte adjacente et qui a vu la scène. Les deux enfants restent ensemble dans la pièce qui plus tard admettra le signe flagrant du progrès de l’époque, une télévision.

La grande porte est ouverte sur la campagne, c’est la saison estivale sûrement. Les vaches ruminent non loin.


Iles enfants se regardent, ils sourient simplement.

Ils ne parlent pas beaucoup.

Sa sœur dort dans la grande chambre commune à côté, ils ne font pas de bruit. C’est un ordre d’adulte.

Ça ne les gène pas.


Il reprendra son oreille et recouvrira sa bouche peu après le départ des deux femmes, et la fillette dira, voulant s’essayer à l’autorité bienveillante maternelle :


« -Fais belle bouche Bruno ! »


Il la regardera de ses deux prunelles sombres, calme et presque sans bouger, et dira simplement :


« -Nan ! »


La fillette le traitera de Pruneau, il a des cheveux de la couleur des ailes des corbeaux posés sur l’arbre rouge de l’avenue du bois, et des yeux noirs et vifs. Il bronze facilement.

Elle ne dira rien d’autre, et continuera à torturer sans y penser davantage son vieux chiffon déjà bien plissé.

Elle restera convaincue très longtemps que la maman de Bruno est très magique de se faire obéir ainsi.

II Compter.

Une autre année… Comme elles filent. Autant que les cinq aiguilles que prenait l’arrière grand-mère Mémé Sine pour faire les chaussettes grises à son Vieux. Et c’est encore le beau temps, car la grande porte de bois peinte en blanc est ouverte. Les poules caquettent non loin.

Le grand-père arrive du château, de son immense pas de velours côtelé, capiau sur el’tête.

Tous les enfants de la lignée sont là aussi, sans la présence pesante des parents, car ils sont tous en garde chez leurs grands parents.

Ils attendent dans la salle, pensez ! C’est le jour du barbier ! C’est toujours un spectacle.

Il arrive lui aussi, avec tout son matériel, la grand-mère a déjà posé les gâteaux dans une assiette, du sucre dans un petit godet, et réchauffé un café perpétuellement tiédi sur un coin de la cuisinière à bois Gaudin. Elle apporte la casserole d’eau chaude pour la verser dans la cuvette émaillée.

La séance commence. Affût du rasoir sur la large bande de cuir, savonnage au blaireau et en avant le coupe-chou !

Mais l’attraction cette semaine là est autre :

Le grand-père regarde son copain raseur en souriant, d’un air de « CHICHE mon gars, tu vas voir ».

Il a l’air sur de son coup, la fillette voit son œil pétiller.

Le Pépé demande à Bruno de compter des opérations de tête paraissant difficiles. Le copain s’étonne.

Mais le grand-père a son idée derrière la tête. Il est fier et veut montrer pourquoi !

« -Brrruno compte donc voièrrr un peu ! »

Bruno compte parfaitement, malgré sa grande jeunesse, et ne se trompe pas ; c’est un jongleur des chiffres.

L’enfant aligne rapidement les bons résultats, oralement.

Le coiffeur se prend au jeu et énonce lui aussi quelques opérations qui sont brillamment résolues en temps record.

Il n’a pas même besoin de ses doigts.

Les deux hommes et la femme sourient et félicitent.

Les enfants écoutent avec intérêt leurs aïeuls causer de ce talent. Ils sont rois au dehors, ils y hurlent leur saoul : à l’intérieur ils écoutent. Ils sourient tous.

La fillette devant cette performance se demande pourquoi elle ressent elle aussi une grande fierté. C’est qu’elle est trop jeune pour analyser que le talent de ce garçon rejaillit sur tous les gens présents, c’est cela le lien familial.

Les prémices de la conscience du lien social, ça commence comme ça.

Même si l’un apprend l’autre, le "Grand Lien", il ne le suit pas forcément plus tard, ce qui n’empêche rien.

C’est normal, sinon la Terre entière serait une même famille. De quoi se marcher sur les pieds.

Savoir...

III Voyage.

La déesse (DS) est prête. Ils partent en famille à cinq en voyage (Espagne ?) et les nausées dans cette sublime voiture ne sont plus à prouver.

Avec trois enfants derrière, il vaut mieux leur donner un léger sédatif pour la durée de la route. Cela se fait à l’époque.

Les parents n’ont aucun mal avec les deux filles.

Par contre, avec Bruno, c’est une autre paire de manche !

La mère s’énerve, le gamin « chouigne ».

Ni caresses ni colères n‘ont réussi à le convaincre, encore moins le raisonnement ou la persuasion.

Qu’à cela ne tienne, une des tantes essaie la cachotterie :

Tous dans le secret perfide, tantes, sœurs et cousins voient la scène. Complices.

Un morceau de pain tartiné de je ne sais quoi de bon, le cachet bien enfoncé à l’intérieur.

Elle lui donne gentiment pour le consoler.

L’enfant Tête De Mule s’en empare, larmes ravalées, et croque dedans avec plaisir.

Il mâche, avale.

Puis il recrache tout et jette ce qui reste rageusement par terre, pensant probablement à la perfidie familiale.


... Il vomira plus tard comme prévu dans la belle voiture noire.

IIII Promenades.

Dans les vieilles familles paysannes des années soixante, et même bien au-delà, la parole s’apprivoise comme le serait un animal précieux de nos jours.

À table, au quotidien, on n’a pas besoin de vraiment parler, les sourires sont là, quand on est seuls avec les Vieux. Pas besoin pour être ensemble de mots : les mouvements et les gestes servent de signes réconfortants, on se sent bien rien qu’avec les yeux, ces outils du regard qui servent la relation plus fortement parfois que les paroles.

Ça change quand leurs filles sont là, les enfants se dépêchent de fuir les grandes tablées joyeuses pour être tranquilles dehors ou ailleurs.

Tranquille veut dire ici sans parents, car ils ne sont pas des plus calmes ! Leurs cris et leurs rires ne manquent pas d’envergure, mais cela rassure les adultes qui s’inquièteraient sans cela.

Le garçon préfère pour moitié de ces temps forts rester non loin des adultes, il ne prend pas forcément plaisir à courir dans les bois se déguiser de joncs et de feuilles, ou modeler la glaise salissante du ruisseau qui éclabousse, ou attraper les lapins savamment orientés par les petites mains expertes ou complices vers leur évasion, ou jouer aux cabanes dans les bois.

C’est un enfant calme qui vit ses rêves calmement.

Cela rend parfois sa mère malheureuse, elle à l’impression que son fils manque quelque chose de bien au travers du groupe joyeux et amical.

Elle ne pense pas qu’il est comme la plus grande des cousines, (celle-ci est passée irrémédiablement du côté des grands, malheureuse ! Trop tôt !), de sept ans plus âgée que lui, et qui aime écouter les adultes, elle aussi, tout simplement.

La père, heureux et amolli comme tous les oncles ou pères après un bon repas, dira à la mère :

« - Mais laisse le chérie, il est bien là. »

Le groupe d’enfants, lui, a pris l’habitude de cette situation : chaque membre est heureux quand il vient avec eux, le laisse lorsqu’il en a envie, et ne se pose pas de questions.

Discrètement dans ces cas-là, au retour de la troupe suante et tapageuse, assoiffée, affamée et rieuse, il repassera toujours renouer le contact qui finalement n’était pas dénoué, d’un regard ou d’un mot.

Au fil du temps, la troupe est passée de sept à neuf. Les années avancent en perfusant leur expérience et en tissant leurs ramifications.

V Chipotages et petite taille.

C’est bon le maroilles. On en fait de délicieuses rôties au fromage.

Dans le vrai Nord, c’est commun.

Ça sent bon, toute relativité prise, les enfants goûtent les tartines chaudes avec appétit, la Mémé gave comme elle peut tout son petit monde.

Bruno « chipote souvent » : il ne mange qu’à sa faim, et par ici on aime bien se porter rondement.

Comme son père, il n'aime pas le fromage.

Par contre, il ronge ses ongles !


La fillette a entendu une chose étrange : Dédée aurait fait un nain.

Elle ne cherche pas plus loin, cette expression l’amuse. Elle n’y a jamais cru.

Elle répète souvent cette expression d’adulte, pour les chiner.

Finalement celle-ci lui dit une fois que ça l’ennuie qu'elle raconte cela.

Sans doute a-t-elle peur une période  en questionque ce soit vrai.


La fillete devenue jeune fille se remémore  la taille du Nain : il la dépasse d’une bonne tête !

VI.Rami et belotte.

Les cartes ne sont pas un jeu comme les autres : les règles des jeux sont des chiffres, des codes, des combinaisons à monter soi même ou collectivement, dans un seul but : gagner.

Ce n’est pas le cas de tous les jeux. Le jouet est adulte.

Bruno y excelle.

Il est à bonne école avec son père, certes.

Il agence, il remanie, il devine, il mène, bref il domine souvent.

C’est un joueur pour le jeu, pas pour ce qu’il pourrait lui rapporter.

Ses pions, s’il y en a besoin, sont souvent des pièces de un centime.

La fillette sait qu’il est numismate à ses heures.

L’amour des chiffres, bien ronds pour les opérations, l’amour des chiffres, bien ronds sur des pièces de monnaie.

Une année, il lui en a donné tout un tas.

Elle s’en sert encore dans ses décors de petite sirène, elle les a peintes en or et mises dans un coffre en bois.

Elles font masse sur le fond sablé des océans de ses décors de spectacle et ça fait trésor.

Parce que c’est un trésor justement, ce cadeau.

VII Camping.

Quatre de la Descendance partent camper. (L’aînée doit « bachotter quelque part, pâlie sur ses bouquins, les quatre plus jeunes de la Troupe restent avec leurs parents respectifs.)

C’est encore une fois l’été dans ce petit village ferroviaire situé dans un petit coin du haut de la France : une large rivière poissonneuse enlace sereinement le terrain de camping.

Une à ordre de veiller au grain car c’est l’aînée du groupe (la deuxième de l’ensemble), ce dont tous ils se fichent prodigieusement. Elle aussi.

Tous jouent le jeu : complices : elle gronde, ils obéissent.

Faut être surs d’avoir la permission de partir si loin sans Grands ; ça donne confiance.

Les enfants aiment beaucoup rassurer les parents.

Sans leurs faux-semblants, ceux-ci ne se déculpabiliseraient pas de leur envie bien légitime de prendre du plaisir sans leurs gamins, et du fait les imagineraient en insécurité.

Alors chacun a à cœur de jouer son rôle : ça rassure les adultes. Les enfants ont cette science innée.

Car si les parents passent leur temps à rassurer leurs enfants, il est juste que les enfants sachent quand c’est à leur tour de le faire.

S’il faut une référence, il y en aura une ; mais aucun rapport d’aînesse ne se fera sentir durant ce temps.

C’est la fillette, grandie, la « Cheffe ».

Trois des quatre aiment les trains

Lui, il aime pêcher. Son attirail est prêt. Il a appris avec son père, un grand monsieur drôle et affable, bon d’accord, très autoritaire, mais généreux, et très « boute-en-train ».

Elle se souvient qu'ub soir de grande facétie, il a été le moteur de la débandade des oncles, qui ont été sonné les cloches de l'église en cachette : tout le village était en émloi evidemment!

Avec peu d’argent, et les « talents », oh très succincts, mais quand même, culinaires de la seule fille de la fine équipe, ils mangeront chaque jour très bien :

Du poisson. Des truites pour être exact. A cette époque elles frétillent encore sans toxines dans nos fleuves. Ils se régalent plusieurs jours d'affilée.

Sauf lui : il dit qu’il n’aime pas trop le poisson.

Heureusement il pourra se rabattre à tout moment sur les crêpes du camp.

Heureusement le camp ne dure pas longtemps : les trois autres en ont finalement marre du poisson : il ne rate pas souvent sa pêche !

VIII Sandwiches et Postillons.

Une grande ville, une cité, un appartement ; en bas, le Père est à la librairie, c’est samedi, il travaille.

En haut, dans la petite cuisine sympathique, la mère et la jeune fille qui est passée chez eux discutent entre allées et venues des deux sœurs. Elles sont joyeuses et les trois jeunes gens de la fratrie rient souvent en se croisant.

Il doit repartir, (pour son service militaire ?) il a besoin de sandwiches.

Sa mère les façonne avec tout l’amour qu’il se doit, avec des choses que son unique fils aime.

« -Zut ! J’ai ouvert son pain des deux côtés »

Réagit-elle soudainement en geignant.

«- Ben quoi, qu’est-ce qu’il y a ? » demande la  jeune fille intriguée.

« -Oh pis ! Bah ça fait rien je vais bien lui envelopper, il ne verra rien avant de les ouvrir, il les mangera bien quand même. »

Elle sourit puis  explique à sa comparse, déjà enjouée de la future incongruité à raconter :

« -Il n’aime pas quand le pain de ses sandwiches est coupé des deux côtés car les ingrédients peuvent tomber. Mais j’ai oublié.»

Elles rient, complices fugitives d’un instant, surtout amusées.

Elle le rejoint sans rien dire dans la chambre des plus jeunes sœurs, c’est là que l’une d’elles lui signale que son frère sait faire des tas de petites gouttes d’eau avec sa langue dans l’air environnant.

En effet, ce que nous faisons parfois sans le faire exprès, lui le contrôle à merveille.

Il nous postillonne son talent et nous admirons sincèrement. Malgré ses explications, elle n’y arrivera jamais.

Sur ce, il prend ses sandwiches et file.

Plus tard, elle sut qu’ils les avaient mangé, évidemment.

IX Paris.

Là encore le temps est clément, comme si l’été a pris l’habitude de les réunir temporairement, même très peu de temps, mais la prime enfance leur a donné ce pli envahi de soleil pour se revoir.

La jeune femme est dans la minuscule pièce de l’habitat de deux jeunes hommes : lui et un ami.

Ça a commencé bêtement, par téléphone :

« -Allo ? Dis, tu voudrais pas venir m’aider à faire le ménage ? Je ne sais pas le faire, Pat non plus. On craque, tellement c’est sale.

-Bon ! D’accord je viens ! »

Elle est à Paris également, drôle de vie, finalement ils ne sont pas très loin les uns des autres à cette époque, du moins pour les aînés de la troupe. Elle passera, ça lui fait plaisir de le revoir.

Ca fait au moins un an…

La vie…

Dépaysés... En manque de leur campagne...

... Las ! La cuisinière a trois centimètres de graisse variant entre les teintes ocrées ou grises, l’évier est noir, et le reste à l’avenant.

Les moutons broutent sereinement un paysage poussiéreux et guère avenant! Ils s'éparpillent bien plus que les vrais qu'ils observent parfois dans le village natal.

La vaisselle s’empile autant que la poussière dans chaque recoin, depuis la télévision vide faisant office de bar, jusqu’à la table ou pas un centimètre carré est libre.

Elle se met au ménage avec courage. Les deux autres font exactement ce qu’elle leur demande, le soir le petit logement brille comme un sou neuf. Enfin pas les deux chambres, là elle n’y rentre même pas.

Pour la remercier ils veulent lui offrir à manger.

Elle comprend que là encore, il vaut mieux qu’elle donne ses conseils. Ou qu’elle fasse !

C’est dur la vie de bohème, vous savez !

Ils sont tellement heureux de faire, que leur échalote est plus finement ciselée que celle d’un cuisinier.

Elle comprend ce jour là que l’amitié et la tendresse au sens littéral n’est pas insignifiante : il lui apprend que dans certaines situations elle fait avec plaisir ce qu’elle déteste le plus : le ménage et la sauce salade.

Ils font leur repas à trois dans les rires.

Il lui rappellera plus tard de temps à autres ce moment là.

Elle repart, vaisselle faite.

Depuis, à chaque fois qu’elle a fait la vaisselle, lorsque encore non équipée de la machine, et qu'elle s'en faisait un ennui, elle a sourit en pensant à ce jour.

X MacDo.

Il arrive chez elle, aux Buttes Chaumont, avec autre fratrie oh pas beaucoup, seuls ceux qui sont à Paris ou en banlieue, dite grande ou petite.

Ça fait quand même déjà pas mal de monde avec les conjoints.

Elle a fait un poulet pour l’occasion, mais ça ne suffit pas.

Le croiriez-vous ? La jeune femme se souvient qu’il faisait beau, ce devait être encore l’été. Elle dit :

« -J’ai failli acheter les trucs là, les mac-do, mais comme je n’ai jamais goûté, je n’ai pas osé, je ne savais pas si vous aimiez.

Il rétorque :

« -Mais c’est super bon oui, c’est vachement bon, je vais en chercher, il y en a un tout près. »

Finalement, joie d’être ensemble ou flemme de bouger de la salle envahie de rires, personne n’ira chercher les fameux big-mac : ils retrouveront des restes dans le frigidaire et du pain dans le placard, et s’en contenteront sans problème.

Et puis, on discute Félix Potin et ça, c’est quelque chose, même si c’est du passé.

Et de concours d’étalages de légumes et agrumes gagnés ailleurs.

C’est plus intéressant que d’aller faire les courses.

Mais le lendemain elle goûtera ces fameux BIG MAC dont elle a entendu parler en bien la veille. Elle ne s’y était jamais lancée !

Depuis elle en mange bien une dizaine par an…

Familles

Diplômes, mariages, paternités et maternités…

Oui, ils ont presque tous des enfants, un travail, une famille.

Des passions toutes différentes.

A présent, l’Une aime mitonner et professer, l’Autre écrire, Un se passionne de politique, Lui c'est le commerce, Une adore les enfants, Un faire des trains, l’Autre la gestion, Un faire du cinéma, L’une les fêtes.

Mais ils aiment tous cuisiner avec art, lire ou écrire de belles choses, le commerce, la gestion  et la politique c’est plus ardu, mais bon ils s’y intéressent, voir au lieu de faire du cinéma, oui tous ils aiment aussi ; ils ne fabriquent pas tous des petits trains mais oui c’est chouette les petits trains, y’en a dans les maisons, et les fêtes et rire évidemment, le plus souvent possible. Et les enfants… Bien sur.

Et le Village, avec son vent faisant sauvagement bruire les peupliers argentés.

Le village perdu environné de bois gorgés de sources.

La maison vieille et le grenier que les adultes mettent trois semaines à ranger quand les enfants ont fini le temps des jeux, entendez les grandes vacances.

Son portail qui grince qui sert de balançoire. Ses prunes et ses groseilles. Vaches et veaux…

Fram, spécialité : aller retrouver le Pépé pour se faire ôter les affublements dont les plus imaginatifs l’ont vêtu, car un chien c’est un chien, c’est gentil et patient avec les enfants, mais ça a le sens du ridicule.

Les marelles dessinées sur l’ardoise de l’allée lavées par les grosses pluies étésiennes, les igloos l’hiver sous les deux sapins, la luge sur les pentes de la colline, le « ski » dans la boue.

Les bouquets de fleurs, (la Mémé préfère les marguerites et les feuilles de l’arbre rouge de l’avenue du bois, mais le Pépé n’aime pas qu’on le coupe !), les poules et les sauterelles, l’odeur suave du foin et les papillons, le rossignol.

Les étoiles filantes, la pauvreté réelle, mais inconnue d’eux, qui se sentaient si riches de tout là-bas.

La grande table fermière qui nous aura vu tourner toute autour d’elle sempiternellement jusqu’à fatigue. Et de rire.

Le dictionnaire.

Les lapins encagés sur « les pattes rouilles », qu’ils mangent en grignotant sans arrêt, et  que la troupe aimait relâcher discrètement pour pouvoir entendre un adulte clamer :

« -Les enfants !!!!! Les lapins sont ensauvés ! Rattrapez-les ! »






Et tous de rire en catimini, n’attendant que cela. Sales petits monstres, joueurs de boue et du ruisseau, voleur de fleurs de cimetière et cueilleurs de tilleul.


Ils se côtoient par épisodes, se retrouve durant de nombreuses années une fois l’an, pour chanter :

« Allons Z’enfants de la famille « XXX » !

Le jour de gloire est arrivé !

Puisque nous voici tous réunis,

,etc… »

Sur l’air de ce que vous devinez quoi…


Faut pas rire : ca vient d’un temps pas très lointain où chaque enfant connaissait ça par cœur. Ca restait pour plus tard.

Faut pas rire, d’un hymne national nous en avions compris l’importance très jeunes et l’avions transposé à notre fratrie/cousinage.

Faut pas rire : à la trentaine on le chante encore !

Faut pas rire, ca veut plus rien dire maintenant mais nous en gardons le symbolisme par nostalgie personnelle plutôt que sociale...


Et puis les jours passent, tissant en filigrane une toile qui devient transparente au fur et à mesure qu’elle s’éloigne de l’enfance.



Anniversaire.

… Ce matin, avant de venir dans son quartier, elle a observé le casier d’imprimerie devenu mural qu’il lui avait offert un jour à Paris.

Un vrai.

Plein de petites fèves dedans, il est accroché comme promis dans son entrée.

Classique. Emouvant.

Elle le fixe longuement, toute en songe.


Elle se souvient qu’un jour il lui dira son impossibilité d’omettre son anniversaire : cinq ans de différence avec elle, mais même mois et presque même jour.

Elle ne l’oublie pas non plus.

Aujourd'hui, c’est une bonne saison.

Une saison habituelle pour des retrouvailles avec les Autres. Elles le sont toutes.

Ils sont tous là.

Elle lui sourit en lui serrant la main. Il est toujours aussi grand.

Elle le trouve beau, inchangé, puis s’éloigne un peu, car d’autres arrivent pour le saluer.

Maintenant, elle se retrouve toute bête, debout devant un bête de cercueil, avec lui dedans.

Et elle, elle est dehors.

Sa peine est sans larme, toute rentrée.

... Il a la fixité glacée de la vie figée par le gel.

Larmes et chuchotements, pleurs et gémissements.

Bruno...

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Commentaires
D
Merci pour tes passages, merci pour tes textes plein de tendresse.
D
de la tendresse ...
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