La sellette
Il était une fois …
Bien au chaud derrière la fenêtre fermée de la salle ou la Mémé s’active à rechercher en vain et en vitupérant l’indispensable sellette à trois pieds pour la deuxième traite (il est près de cinq heures du tantôt, c’est l’heure !), Tatie les observe : On ne sait jamais… ils sont toujours prestes à faire des dégâts ces deux la !)
…Les deux « tiots », ignorants de la surveillance, chaudement guenillés et bottés de caoutchoucs, s’entretiennent en toute intimité en un jargon difficilement audible de là ou elle se tient. Ils jouent aux « aventuriers »et ont réussi à enflammer quelques bâtons pour un semblant de feu de camp.
La froidure et la grisaille de ce début d’automne ne sont pas sans analogie avec ses pensées.
Elle s’ennuie…son regard s’évade sur les collines avoisinantes et la forêt encore verte, puis s’échappe vers le village en contrebas ; ses yeux se déposent enfin sur le calvaire qui fut jadis érigé là, insolite, au beau milieu d’un champ.
Le « clop-clop » soudain et rythmé de la pluie (musique du ciel songe t-elle un instant…) lui rappelle sa surveillance relachée.
Tatie les appelle, mais complices et absorbés sur leur feu qui grésille et les enfume, ils ne l’entendent pas : elle se décide à approcher pour examiner la petite flambée. Les volutes sentent âcre.
Un je ne sais quoi de « déjà vu » l’alerte…
Aussitôt, effarée, elle s’exclame ! Elle reconnaît presque carbonisés les pieds noicis de la sellette. Totof et Titine, contrits, baissent le nez et se regardent navrés.
Bon ! La fessée purificatrice n’est pas loin…un peu ironique, cachant son rire, elle houspille les deux « tiots » qui font mine d’avoir mal.
C’était, il faut bien l’avouer, pure utopie que d’avoir songé un instant espérer une journée sans bêtise !!!