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Feuilllle, Itin'Errance et Natur'Ailes
10 octobre 2006

Etre et ne plus être Chapitre III

 

Être et ne plus être

Chapitre III : Zénith

 

« Le temps féerique de l’enfance est passé. Ma joie d’être un adulte renforce mon existence.

Comme mes Frères et Amis, j’ai de nombreux enfants, qui contemplent avec le même plaisir que je l’eus jadis le passage des Oiseaux Voyageurs venant se rafraîchir de temps à autres sur les rives de la rivière, toujours aussi affairée à peaufiner laborieusement son lit et courrant inlassablement à travers mon magnifique pays.

De temps à autres, nous entendons au loin le bruit atroce et barbare d’un canon, (nous connaissons depuis le dernier passage d’une Tribu amicale l’origine des détonations) et cela nous met mal à l’aise. Vaguement inquiets à ces sons outrageant la Nature, nous les supportons cependant stoïquement  et nous jugeons hors d’atteinte, ce qui nous rassure ; ou plutôt relègue au fond de notre esprit indomptable l’angoisse montante avec les saisons, car les cris farouches et guerriers se rapprochent lentement mais indéniablement.

 Actuellement, nous sommes aux prémisses de la saison chaude, et les hirondelles ne tarderont plus.  Les perce-neiges  emergent des mousses  gorgées de rosée froide et leut petites têtes blanches affleurent  le tapis de feuilles mortes qui vitaminent le sol.

Déjà je vois avec attachement un de mes petits admirer en silence, comme il se doit, un héron cendré s’abreuver près d’une flaque colonisée par les batraciens. Je suis fier de mon fils, il se comporte et se nourrit correctement ; cet enfant est bien portant, ce qui n’est pas le cas de tous ici. D’étranges maladies parfois étiolent les plus jeunes.

Pour l’heure, il examine gentiment tout ce qui bouge ou scintille autour de lui. Il tend instinctivement ses bras vers la Lumière, comme pour la remercier avec gratitude. Il s’incline gracieusement et sourit. Puis son attention retrouve le grand échassier, je sais qu’il le préfère à tout autre oiseau. Je crois que les chants chatoyants de la grive musicienne et ceux du rossignol, aux gammes infiniment variées, lui procurent autant de plaisir intérieur que la vue du héron.

A l’instar des grands Egyptiens de jadis, dont nous connaissons l’histoire depuis très longtemps, nous adorons le Soleil.
C’est notre religion, sans prières et sans rites, simplement une Reconnaissance de son pouvoir et de son impact sur tous.
Notre idée du « Sacré » n’est pas posée sur lui, car toute vie l’est.

 

…Cette année-là fut difficile : les précipitations diluviennes que nous subîmes presque constamment altérèrent notre écosystème de façon alarmante ; les inondations qui s’en suivirent noyèrent probablement quelques uns d’entre nous résidant sur le bord opposé de la rivière, cependant nous ne le sûmes pas formellement. Il nous était impossible de la traverser. »

 
Les Saisons enfilent leurs perles temporelles sur le Collier des moissons, et l’or et les pourpres apparaissent sur les feuillages encore nuancés de verts.


« De nouveaux étrangers sont venus ; l’odeur de la fumée âcre de leur feu et celle de leur cuisine s’amalgament à nos propres fragrances. Ils sont inquiets eux aussi, ils sont venus nous alerter de l’anéantissement de tribus entières et sédentaires comme la nôtre…Nous imaginons les canons, avec leur grosses bouches noires qu’ils nous décrivent et expliquent, car personne ici n’en a jamais vu.

Mais il y a aussi autre chose : certains hommes s’arment de haches pour tuer. La raison est toujours la même : saisir le pouvoir sur d’autres ou les utiliser à des fins personnelles et égoïstes sans vouloir prendre conscience du caractère bestial et indubitablement inhumain de l’acte plus que dévastateur. »

Un autre verset me revient à la mémoire à ce moment :

 

Les besoins individuels, fondamentaux ou non, provoquent l’oubli de ceux des autres…

 

…Il faudra que je raisonne un peu sur le sens du « besoin essentiel »…est-il fonction d’une réalité personnelle ou résultat d’un environnement social, collectif ou ethnique ?
La survivance à ses exigences fondamentales, mais survit-on simplement en soignant son corps ?
Il est certain que des êtres isolés vivent aussi harmonieusement avec eux-mêmes que ceux qui se rassemblent, mais je crois qu’ils sont reliés tout de même indéniablement par la pensée, la langue, le passé et l’éducation primale aux autres ; et cela sur une même planète.
Leur isolement est un choix ; les Ermites, de quelques origines qu’ils soient, ont tous eu une base commune avec les leurs.

Peut-être que la civilisation dépend simplement de cette notion de « libre-arbitre », à l'intérieur du même écrin…

 

« Apparemment nous n’avons rien à craindre des canons. Ils sont trop lourds pour se faufiler au travers des buissons géants et les dédales des troncs feuillus et enchevêtrés. Les breuils massifs des sylves ceinturent et protègent notre minuscule paradis. C’est cela que nous retenons, dans un désir de survivance qui ressemble à l’espoir. Mais nous savons, nous sentons que le temps de la liberté et du bonheur de vivre simplement s’efface peu à peu devant l’odeur du danger.

Pour l’heure, nous recevons de tout cœur nos nouveaux Amis, qui restent plusieurs jours à nos côtés. Ils récoltent avec notre aide tous les fruits disponibles, mais du fait des nombreuses pluies antécédentes, le ramassage est fastidieux et le résultat assez maigre.

Tant pis, nous avons fait du mieux possible…

Nous remarquons avec tristesse les lambeaux qui les habillent, nous notons les pleurs plus fréquents chez leurs enfants, l’accablement qui semble les courber devant les sacs à moitié vides, et décidons de nous séparer le plus possible de nos réserves de bois mort en signe de soutien.

Ce jeune fou de Tortueux a même réussi à dévoiler pour eux, camouflées entre racines et fougères, une cinquantaine de coulemelles, un don inestimable!

Grand-père a silencieusement laissé choir doucement et discrètement devant eux une vingtaine d’œufs mouchetés de gris clair, et nous sommes restés un instant figé d’émoi devant ce cadeau inattendu. (Les œufs sont des germes d’êtres de chair…savoir que ces hommes les dégustent n’est pas choquant en soi, mais leur en fournir l’occasion, nous qui n’en avalons jamais !) Puis nous réalisons qu’aucune mère ne les couvera à cette époque de l’année…une incongruité de la Nature, qui, bien évidemment devait savoir ce qu’elle faisait ! Comment avons –nous pu douter de la sagacité de Grand-père ? 

Apaisés par le devoir d’entraide accompli et nos efforts communs, nous nous sentons mieux lorsqu’ils repartent, chargés de tous ces trésors…
Leur joie nous remercie et nous console du manque incontestable de faînes.

 
Nos pensées dérivent vers l’horizon, ondulé par la canopée et ses innombrables teintes moirées. La forêt sculpte la lumière descendante en dentelles frémissantes. Les rameaux et brindilles encore feuillus batifolent aux caresses du vent. L’humidité ambiante s’exhale en écharpes de brumes, et la tranquillité nous étreint à nouveau.

La nuit efface les ombres, relie chaque élément en un ensemble tracé de sa main charbonneuse, endort les appétits et induit les songes salvateurs ou constructifs…

feuilllle, texte protégé.

 

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Commentaires
L
Il me plait d'aller me promener sur tes pages d'écriture humaine. J'y glisse tranquillement, au fil des mots tendus sur la ligne du coeur. Merci
F
Coucou ff Vi je ne suis pas venu depuis longtemps prendre mon bain de jouvance :) je vois que ds les commentaire tu es consideree comme caline :) je decouvre des choses loll <br /> J'ai aimé Clarisse,j'ignorais que tu sonnais aux portes :) il va falloir que je me méfie ...<br /> bisouss ff
V
Enfin j'ai trouvé le temps précieux pour lire cette aventure précieuse...il me tarde vraiment d'en lire la suite...merci FEUILLLe pour ces lectures contemplatives !!
F
la Dame Clarisse reviendra!<br /> :)Objectif Plume
A
La paisible émotion de bonheur contemplatif se voit terni par les guerres dans le lointain, passionnante histoire, suspense suspense…<br /> <br /> :)
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