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Feuilllle, Itin'Errance et Natur'Ailes
27 mars 2007

Une semaine tranquille et routinière.

Jeudi, heure d’aube…

Il est étrange de s’éveiller dans le miroitement que donne le reflet spécifique de la neige au petit matin…la clarté froide cisèle les corolles pourpres de mes iris d’une fine sculpture hivernale et insolite en cette époque.

Tout est ouaté, calme, duveteux.

Les muscaris dodus, sombres à leur sommet floral, émergent d’une blancheur incongrue et sans tâche.

Les étoiles zébrées mauves pâles – des bulbes inconnus sauvés d’un ancien jardin parisien terrassé, penchent leur tête gracile alourdie de cristaux. (Je ne connais pas leur appellation scientifique)

Je ne vois plus une seule violette… les blanches, les parmes, les prunes, les presque roses, les violet foncé, les rouges, toutes sont emprisonnées sous le léger manteau poudreux.

Un hiver au goût acidulé de printemps, un printemps hivernal…les coccinelles et les gendarmes sortis trop tôt doivent être refroidis !

Je savais bien sûr que le temps ne tiendrait pas sa douceur à cette époque, les fourmis n’étaient pas sorties et ce signe est incontestable. Les bourgeons se trompent parfois, mais je n’ai jamais vu les fourmis aux prises avec les leurres du temps.

 

Le jardin est presque entièrement désherbé, et la semaine dernière, j’ai pu sarcler presque convenablement la multitude de plates bandes, qui ne sont ni plates car je jardine en terrain pentu, ni des bandes mais des espaces agencés au petit bonheur de mes envies. J’ai pu observer l’expansion de mes cyclamens et de mes jacinthes des bois, émergeant à peine mais vindicativement une pointe droite et feuillue.

 

Insensibles au gel, les poissons rustiques du petit bassin d’en haut continuent leur sempiternels cercles natatoires en toute sérénité. Un doux ciselé de frimas blanc et dentellé bâche l’eau obscure.

 

Le jour est lourd, il neige encore.

Les herbes pliées ou courbées se tassent sous sa masse, douce au toucher.

Le ciel restera bas toute la journée…

 

Samedi, heure d’aube…

Il fait froid et humide, mais pas de pluie, pas de neige, pas de grêle, comme la semaine dernière.

Je suis assise sur le rebord de ma fenêtre qui fait un siège idéal pour « copiner » avec l’abri des écureuils du Chili.

J’aime ce moment « café chaud-parka », quand tous dorment encore dans la maison. La faible lueur du matin sec mais glacé de ce jour me permet de voir la famille pelucheuse des petits rongeurs envahie des détritus de l’hiver.

Je nettoie la grande cage deux fois par an, car ils construisent des tunnels sous le foin et des branches (hachées menu par leur soin), des souterrains à plusieurs niveaux, et apprécient ne pas être dérangés dans leurs pénates.

Ils aiment vivre en « trois D » et grimper, mais ils dorment enfouis dans des petits terriers structurés, se rejoignant entre eux.

Leurs déchets (corporels, épluchures, coquilles imputrescibles, bogues etc.…) sont toujours apportés sur le sol, ce qui contribue à élever la température interne. Ils ajoutent des « couvertures » ou aèrent les coins à dormir selon le temps qu’il fait.

Au désespoir, je vois laVieille Mère, âgée de presque cinq ans, facilement reconnaissable à sa queue coupée lors d’un intermède agité avec la chatte, morte dans un coin de l’abri.

Ma gentille complice qui venait se loger sur ma main et me regardait avec des yeux si doux s’est retrouvée coincée entre la porte et le chambranle : elle était mal fermée, et je pense avec tristesse que j’aurais dû m’en rendre compte, car je connais le défaut de ce refuge que j’ai construit moi-même. Elle aurait pu vivre encore quelques temps ans cet accident…

Je me décide à tout nettoyer, dresser quelques nouvelles grosses branches (deux mètres minimum) pour que les futurs petits qui ne manqueront pas de venir puissent s’amuser à les écorcer et faire leurs dents.

 

Je gratte les souillures, parle doucement avec les membres du groupe qui, à l’affût sous un bout de bois ou sous une brique, reniflent et observent ; m’observent…

La vieille maman me manque déjà ; inconsciemment, le lève les yeux au plafond, là où je la voyais souvent , calme et immobile, le regard vigilant sur ma présence, se laissant caresser finement des oreilles au bas du dos gentiment.

Je sursaute ! Cette place que je pensais être un endroit choisi au hasard par la plus vieille maman est devenu le territoire d’une autre !

Je réalise que le groupe vit dans une organisation structurée et matriarcale, et que la surveillance se fait en toute logique dans l’endroit le plus approprié. Je suis sidérée.

J’en suis sure, cette femelle est devenue la nouvelle maîtresse des lieux.

Je n’avais jamais caressé que l’ancienne Matriarche, car il faut bien l’appeler maintenant ainsi. Je me décide à tenter une timide caresse sur le dos de la nouvelle, m’attendant à sa fuite habituelle.

Je suis surprise : elle se laisse faire et semble ne pas avoir peur.

Les autres se sont cachés, mais passent de temps en temps rapidement entre mon grattoir ou mes mains.

La dame émet un cri sifflement rapide, vient se poser sur une planchette assujettie au grillage, tout près de moi, à hauteur d’épaule.

Nous nous regardons.

Je ne sais pas ce qu’elle veut me faire comprendre. Je suis frustrée de cette incommunication, en même temps heureuse d’avoir une nouvelle compagne qui n’ait pas peur de m’approcher. Dubitative, je continue ma besogne, ramasse un des gros cylindres de carton fort qui traîne à terre pour le vider de ses saletés.

 

HOUCHE !

 

Cinq minuscules boules de poils bruns et tièdes sont passés sans peur du cylindre au sol, en traversant ma main, et courent rapidement se terrer dans leur gîte. Il n’y a aucune souillure dans le cylindre.

 

Cinq ! Déjà !

Ils ont entre quatre et six jours.

 

… Je dépose précautionneusement les noix et les cacahuètes, les noisettes et un restant de châtaignes, une pomme et de l’herbe fraîche. Des graines aussi…Du pissenlit, du thym. Du foin propre et de la paille dans un coin. Quelques violettes et quelques fleurs et bourgeons de pommier sauvage…

 

La nouvelle Matriarche est retournée sur son reposoir de surveillance…

 

Voilà. C’est fini. En septembre ou en octobre, je recommencerai. D’ici là, la nouvelle Matriarche aura su m’apprivoiser… Sourire…

 

 

 

Lundi, heure d’aube…

Deux hérons s’envolent de la pâture… Je respire un air humide d’embruns encore…Ces jours derniers, la cheminée a encore craqueté et postillonné des myriades d’étincelles dans son âtre.

La chaleur de ma cuisine ne m’empêchera jamais d’aller « sentir » chaque matin l’odeur du temps…

 

Les écharpes merveilleusement blanches des vapeurs de la Terre habillent de molleton insonorisant les petites collines des environs. L’acoustique est séquestrée entre les pans des petits vallons voisins.

Entre les fûts encore dégarnis, un soleil presque rouge, grandit par la vision basse que j’en ai à ce moment, parait frémir sous les vibrations de la lumière encore bleue.

C’est une image troublante qui change très perceptiblement à chaque seconde. J’observe que le brouillard reste épais et dense, deux grandes heures.

Quelque part, un effluve incongru de violette émèche la brume et mon sens olfactif…

 

Lorsque tout s’illumine et que le soleil devient brillant et chaud, s’éclatant dans un ciel bleu, bleu, bleu, je décide de partir la journée avec mes deux chiens. Ma gentille husky aux yeux de louve brillant rouge la nuit, et mon gentil bâtard un peu « foufou » à la truffe perpétuellement inquisitrice.

Plus de brume… pas de nuages…pas de vent…

Une simple tiédeur bienfaisante et tonique qui annonce le prochain recul définitif de l’hiver.

…Les fourmis ne sont pas encore sorties.

 

Je marche entre forêt et prairie, je grimpe plutôt un des nombreux layons qui sillonnent le coin. Je suis à 4 km de chez moi, distance vol d’oiseau. J’ai garé ma voiture entre deux champs, plus bas, pris ma veste et mon sac de promenade, et hop les Chiens !

De toutes leurs pattes coussinées de noir, ils galopent et me distancent rapidement. Je prend le temps de voir les papillons jaunes ou bruns voleter entre les pervenches et les coucous, les pâquerettes et les violettes.

Dans le bois les anémones blanches et les tiges encore vertes des jacinthes sauvages foisonnent.

Un gros bourdon fauve clair butine une corolle ouverte de fleur d’églantier. Sur de très jeunes épineux, un groupe de coccinelles prend le soleil sur leur carapaces

Certaines copulent, deux par deux. Je coupe au travers d’un bois clair et symphonique, je veux atteindre le sommet de ce vallon.

A la mi-journée, j’ai déjà les bras chargés de bouquets de ramilles bourgeonnantes, de pieds de fleurs, de mousses humides, et je dois entrelacer avec des lianes de chèvrefeuille les branches fleuries de pommiers sauvages pour les porter plus à l’aise. Mon sac est plein.

De temps à autre je siffle mes Toutous pour vérifier leur présence. Je les sais fugueur au printemps…C’est ainsi que je me retrouve parfois avec quelques chiots imprévus !

 

Je suis entre deux bois. Une mince pente d’herbe fine, chaude de lumière et de soleil les sépare Allongée sur le dos pour un relaxant répit, je cligne des yeux face à la clarté du ciel.

Les sons des bois me parviennent.

 

…Cri d’alarme ! Un faisan mâle passe en criaillant au dessus de la sente et vole en zébrant le ciel de sa longue queue mordorée. Mes chiens ont sans doute dérangé le nid, et la mère est sans doute restée pour le protéger. La couvée n’a aucune chance avec ma louve, je le sais bien. Son atavisme et son instinct ne résistent pas au besoin ancestral et indompté de prendre proie.

Je siffle, je les appelle…Rien de canin ne remue autour de moi.

Ils sont loin.

Je les piste au travers des halliers, les arbres à cet endroit sont serrés, et pas une fleur au sol ! Je dois traverser plus d’un km de bois dense même sans le touffu des feuilles, pour tenter de retrouver mes compagnons, au moins visuellement. Une multitude de branches et troncs morts entravent mes pas. Courbée en deux, par moment rampant presque, j’avance tout de même, péniblement, mais j’avance. Les branches sont si serrées, y compris vers le bas, que je ne vois pas très loin devant moi. Heureusement beaucoup sont mortes et cassantes.

… J’avais oublié ces crapahutages aventureux ! Je suis fortement griffée, mais je gagne un temps précieux sur la marge présumée qui nous distancie.

 

…J’ai passé l’après-midi à les poursuivre…je suis retournée plusieurs fois à la voiture et dans les endroits précis des pauses effectuées au hasard de la ballade.

J’ai le cœur gros, je m’inquiète, je sais que Belle la husky et Fritzou peuvent s’absenter plusieurs jours d’affilée, et les risques de ravages encourus sur les cheptels fermiers sont réels. Et puis il y a les routes, petites mais justement perfides, toutes en virages et peu populeuses, donc surprenantes.

Je peste.

 

Fin d’après-midi : je reviens une dernière fois au chemin de départ, par acquis de conscience, n’y croyant pas.

 

Mes Toutous sont là, air sage et queues frétillantes.

 

Ils sont essoufflés et ont soif, crottés des membres et mon terrible bâtard fauve est plein d’herbes accrochées sur son long pelage frisé.

Ma colère s’éteint immédiatement : chers bons chiens… finalement ils se sont bien amusés : nous avons joué aux gendarmes et aux voleurs, à cache-cache ou aux aventuriers…

C’est bien mes Braves : vous êtes restés ensembles.

Je peux enfin planter les racines prélevées là-haut.

 

…les Chiens ont bu, à satiété. Ils dorment.

La Matriarche des écureuils veille à l’endroit habituel.

 

 

La grive musicienne est là. Je m’essaie à quelques trilles, plus humaines qu’ornithologiques.

Elle répond en modulant des airs impossibles à transcrire, qui décochent dans le déclin du jour des éclats de bonheur strident.

Il fait encore bon…Ma cheminée est froide…ce soir je ferai une flambée qui adoucira le crépuscule.

 

 

Rappel :

 

*Je ne cautionne absolument pas le transfert des animaux d’autres pays chez nous, mais j’avoue que j’ai craqué lorsque des gens que je connaissais à peine m’ont présenté deux boules de poils pas plus grosses qu’un poing de bébé humain, en me disant d’un air contrit : (« -Euh vous les prenez ? On ne sait pas quoi en faire ! »)
Je sais je sais : je n’aurais jamais du accepter, mais il y a toujours un de mes enfants qui apparaît dans ces cas là, averti par un sixième sens, et qui m’oblige à lever mes réticences ; d’autant plus que le premier arrivé se dépêche d’en aviser l’autre.
Les enfants sont la plaie et le bonheur des parents, c’est bien connu. 

 

 

 

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Commentaires
C
Un petit coucou pour te souhaiter un bon week-end !<br /> Bises<br /> Christian
A
J'adore te lire, j'aimerai narrer d'une façon aussi poétique quelques journées de plénitude, prises au cours du défilement du temps. <br /> J'aime le petit matin, aux chant des oiseaux, je leur réponds parfois, ou du moins je le gâche leurs concerts de mes stridulations approximatives. <br /> Dommage pour la matriarche voilà une chose bien triste. J'ai entrepris le nettoyage du filtre du bassin, malheureusement un des poissons s'y était pris, et n'a pu se dégager, un des quatre qui nous ont tant surpris, sont plus que trois, et déjà bien grands. <br /> Mais d'autres relèves sont là, et nous avons identifié un petit shubukin et un petit sarrasa, Alérion content.<br /> Je ne connaissais pas le "truc" des fourmis. <br /> Une bonne fête pascale<br /> Gros bisous Feuilllle
P
Je passe pour te souhaiter de joyeuses fêtes de Pâques et un bon congé puisque ce sont presque des vacances ! <br /> <br /> Bonne fin de journée et à bientôt...<br /> <br /> Gros bisous...<br /> <br /> Peter Pan...
C
Merci pour toutes ces belles compositions !<br /> Amitiés et bon dimanche,<br /> Christian
X
Content de te lire à nouveau !<br /> Bon week-end
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