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Feuilllle, Itin'Errance et Natur'Ailes
22 mars 2009

Légende.

La légende De Dune Hya... Duché de Bourgogne...

C’est en arrivant à Sémur (Duché de Bourgogne) que feuilllle collecta sa première histoire.
Son prénom n’a aucune importance en soi, mais celui-ci raviva la mémoire d’une Résidente Sémuroise, ville dans laquelle elle dormait aussi ce soir là.

Feuilllle souriait, elle avait permission de la Dame d’arranger l’histoire en forme de légende, si elle n’en changeait point la forme. Cela lui convenait parfaitement.
Elle ne devrait pas poster le glyphe de cette Conteuse, mais elle lui enverrait ce qu’elle avait retranscrit et imaginé de son histoire.

Elle joua un peu avec Messire ArbrEnVol, ce nouvel animal recueilli depuis peu, épiné sauvagement par de mauvaises ronces poussées sur un chemin entre Dijon et Sémur. Il était alors mal en point et échevelé, mais depuis qu’elle le soignait avec constance, son plumage était redevenu luisant et les petites perles anthracites de ses yeux bien vivaces.
Elle se relut, attentive aux mauvais empattements de ses lettres, souffla sur l’encre fraîche, un peu agacée de ses phrases écrite en biais, puis elle sourit en pensant à l’envol des mots.
Elle équipa ArbrEnVol d’un petit vélin léger et bien roulé, le retint un peu sur son cœur enserré tendrement au creux de la main, puis le laissa partir tranquillement.

Janvier 1457
…La Dame venue d’ailleurs était assise dans un coin de l’ancienne auberge, éclairé d’épais vitraux mats et laiteux. La lumière diffusait son éclat avec parcimonie, car l’hiver était encore niché au cœur du Royaume.
Nous discutions tous, du temps et du pays, et sa voix un peu traînante et grave émouvait les auditeurs. Elle nous proposa son histoire que nous acceptâmes avec la fébrilité et l’impatience que procurent l’ennui et la fatuité.
Elle regarda en souriant l’assistance un court laps de temps, puis commença, se jouant avec talent des pauses et des soupirs pour renforcer le suspense de l’histoire.

« - Il était une fois…Et oui cela commence toujours ainsi »,
Chuchota t-elle en nous souriant légèrement,
« -Il était une fois… une histoire d’amour exotique ! »

... Sa voix n'était plus que murmure, ses yeux plissaient de rire, un peu narquois...            

« … Il y a quelques années, dans un autre lieu du Royaume, un banquet était organisé à l’occasion d’un anniversaire d’une amie ; le crépuscule  étalait sa chape sombre, les invités allumaient  les chandelles.
Nous étions nombreux à évacuer avec plaisir la lente routine des semaines et la fatigue de nos durs labeurs.
J’écoulai les heures paisiblement tandis que les ménestrels jouaient du flûtiau et de leur luth, et rythmaient leurs chants de leurs tambourins et grelots.nous étions nombreux à évacuer avec plaisir la lente routine des semaines et la fatigue de nos durs labeurs.

Les mets déposés sur les tréteaux de la salle du banquet fumaient leurs vapeurs épicées, les tablées supportaient des victuailles suaves, variées et appétissantes. Le gibier et les poissons agrémentés d’herbes odorantes fleuraient le fenouil ou la sauge, le gingembre ou la menthe.
Le bon vin de bourgogne coulait à flots dans les verres d’étain et la bière écumait des chopes !

Les festivités étaient à peine entamées, lorsqu’un mouvement dans la salle attira mon attention. L’assemblée se figea un minuscule instant.
Il y eut comme un soupir du temps, une stase dans le regard des gens.
Je relevai la tête, comme tout le monde, et dirigeais mon attention vers les lourds vantaux sculptés de la porte d’entrée ; le vent s’engouffra dans un gémissement sifflé et caressa de sa bise glacée l’assistance.

Je vis arriver un homme étrange, inconnu, mes yeux ne pouvaient s’en écarter ; il transportait avec lui une odeur d’humus frais et de forêt mouillée. Il était grand et simplement vêtu d’une chaude houppelande vert sombre, de l’exacte nuance des feuilles de saule en fin de saison. Son chapeau aux larges bords l’auréolait de fauve.
J’avais les yeux écarquillés sur lui, il dut sentir l’insistance profonde de mon regard, car le sien ne quitta dorénavant plus le mien. Un vague sourire affleurait sur sa bouche au contour ferme.

De toute la soirée, nos yeux ne se quittèrent que fort peu. Ses regards langoureux posés sans cesse sur moi exprimaient un appétit qui n’avait rien à voir avec les nourritures solides. »

La Dame cessa quelques minutes son récit… Elle observait attentivement une branche de pin qui frappait à ce moment par saccades une des fenêtres de la taverne. Quand les bourrasques stoppèrent, elle nous dévisagea, souriante, puis reprit :

« - Je sus bien plus tard qu’il était parti depuis longtemps, et de fort loin, pour retrouver ses origines.
Je n’ai jamais su lesquelles.

Un Amour incroyable nous berçait l’esprit, nous oubliions l’environnement entier dans cette espèce de cocon complice qui nous liait.
Il dégusta quelques fruits, je n’avais faim que de lui.
Nous sommes sortis…
Étrangement, je n’avais pas froid…
Nos corps s'épousèrent parfaitement…Comme deux feuilles plaquées l’une sur l’autre lorsque l’automne les unit de sa moiteur après les avoir libérées de leur arbre…

Nos premiers ébats furent suivis de nombreux autres. Nous nous unissions toujours avec force et la même attirance sensuelle qu’au commencement de notre relation.

Dés le début, il m’avait baptisée feuille, et par la suite nous avons gardé chacun ce petit surnom, que je lui retournai avec amusement.
Chaque jour nous imaginions quel végétal nous pourrions être. Ce petit jeu était notre favori, il nous reposait de nos "enserrements" amoureux.

Nous savions qu'un jour prochain notre histoire aurait une fin… Nous avons profité de tous les instants possibles avec la morgue et la fougue de la jeunesse et de l’amour.
Je ne savais trop qui il était, je sentais simplement qu’il était très différent de tous les hommes que j’avais connus.
Tout l’hiver nous nous aimâmes ainsi, liés par la force indomptable de nos sentiments.

…Le printemps était à peine entamé qu’il sembla s’étioler et pâlir. Il s’essoufflait rapidement, nos longues marches en forêt le soulageaient un peu, mais il était certain que son existence était en danger.
Je compris qu’il devait repartir.

Un matin vif et sémillant comme un chant de pinson, je trouvai notre couche de fougères froide et vide.
Près de moi, un petit flacon fait de cristal de roche contenait un élixir aussi vert qu’une pomme de printemps.
Je m’en saisis vivement, je sus immédiatement que c’était son cadeau d’adieu, et l’usage que je devais en faire.
Je le bus avidement. Cela avait le goût ancestral des terres vierges et de la mousse, lorsque la pluie vient de la laver ou que la rosée s’emperle à ses extrémités.
Une chaleur irradia mon corps, les souvenirs se firent précis.
« Vis, mais ne m’oublie pas, et trouve-moi », me murmurait le liquide forestier en me pénétrant dans toutes mes fibres.
Une grande force morale et physique me venait dans le même temps, une jouissance profonde m’irradiait, partant de mes entrailles, pour exploser enfin en gerbe de plaisir atteignant toute parcelle de mon corps et de mon esprit.

Je me sentis devenir arachnéenne, telle une écharpe de vapeur, et m’échappai en ondulant de mon enveloppe charnelle.
Je serpentai en m’élevant au dessus de la ville, et me dirigeai instinctivement vers les bois.
J’étais devenue brume… »

La Dame dégusta tranquillement trois gorgées de liquide à la couleur de miel, ses yeux vrillaient calmement l’assistance et nous ordonnaient de leur éclat le silence… Nous eûmes le temps ainsi d’intégrer cette information envoûtante et extraordinaire.
…Sa gorge frémissait " sensuellement" à chaque lampée.

Elle ajouta sans mélancolie :
« - J'ai plaisir à me souvenir de cette feuille qui a pris le vent, je l’ai cherchée si ardemment !
C'est agréable de penser à celle-ci en particulier, qui fût mon amant terrestre, et aux milliers d’autres qui frémissent puis virevoltent à chaque saison pour vivre et mourir pleinement. »

Une mouche vola, sortie de on ne sait où, et troubla un instant l’harmonie faite d’attente et de curiosité de la taverne. Orfradis la becqueta vivement.

Nous remerciâmes la Dame pour sa magie et sa diction.
Elle reposa sa chope sans la heurter sur la table de bois brut. Son visage étincelait du plaisir du partage.
Après nous avoir fixés quelques minutes, elle sembla contempler bien au-delà de nos personnes un point impalpable de l’horizon.

Son récit nous tenait encore.
Nous avions tous bu plus que de raison. Rêvions-nous ?
Nous étions transportés par la Conteuse et ses mots dans un autre lieu, une autre époque.
Mais nous devions être plus émerveillés encore la seconde suivante !

Notre conteuse s’était tue.
Dans une sorte d’aura opalescente, nous vîmes peu à peu ses contours graciles devenir flous : la Dame « s’effilochait », devenait drapé de lumière plissée et évanescente, jusqu’à disparaître en fumée ténue mais éclatante dans l’atmosphère. Un diffus et éphémère parfum de muguet submergea les senteurs habituelles de la taverne.
Une brume filiforme s’échappait avec un bruit de soie froissée par une fêlure d’un carreau mal assujetti.
On entendit un rire clair qui ricochait en cascade, puis s’amenuisait petit à petit.


Nous étions figés de stupeur, autant par le merveilleux que par l’inattendu. Pétrifiés ce qui parut être un pan d’éternité, nous respirions sans en avoir à peine conscience.
L’effroi tendu devant une situation incroyable et insensée, l’incrédulité immédiate de la féerie, rien de tout cela ne nous amena à craindre la sorcellerie maléfique.
La douceur grave de la Dame était encore palpable que nos craintes firent place au regret de son envolée. Nous prîmes conscience du formidable cadeau qu’elle nous avait fait, à nous pauvre humains qui avions eu la chance de la côtoyer.

Les étoiles que nous avions dans les yeux remplaçaient celles des Cieux, cachées alors sous les nues trop sombres pour laisser filtrer leur éclat.

La Femme Enchanteresse était partie, en emportant sa grâce et sa sérénité, mais en nous laissant à jamais l’empreinte indicible du mystère de sa légende.

Quand la raison ne peut expliquer un évènement, on parle d’enchantement, de phénomène inconnu. Inexplicablement, nous nous endormîmes tous, la tête au creux d’une épaule, ou affalé sur un banc…
Peut-être étions-nous envoûtés.
Je m’éveillais un peu plus tard, la pratique itinérante du voyage m’avait inculquée l’habitude des levers nocturnes. Orfradis agita les ailes.
La lune éclatait de joie à se sentir si pénétrée de nuit.
Elle s’encadrait enfin dans la lucarne, dégagée des nuées du temps, laiteuse et cernée de son halo diaphane.
Puis la nuit agonisa, transpercée par l’aurore en flammes.

J’étais déjà repartie, couverte par cette aube pourpre et sur les routes encore froides du Duché, j’avais le cœur empli de saisissement, mais aussi envahi par la chaleur de l’amitié.
Je distinguais nettement, posée à plat et stagnante sur la brume matinale qui enveloppait encore le paysage de ouate, une feuille de saule mince et brillante qui palpitait doucement.


Ce fut bien des heures plus tard que je compris la signification du songe de cette Bonne Magicienne.
Une feuille et la brume hivernale s’aimaient.
Une saison pour vivre et mourir.

Mais à plein temps.



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Commentaires
Y
quel joli conte ma Feuillle ! l'amour d'une feuille et de la brume le temps d'une saison....
L
Ma feuillllette, si tu n'as pu y aller, voici les liens pour visionner les photos d'un p'tit gars de chez nous qui te donnera une idée de la magie du lac :<br /> <br /> http://didiergregoire.com/nature8.htm<br /> <br /> et aussi<br /> <br /> http://cid-8ffbec806e8a5f02.skydrive.live.com/self.aspx/.res/8FFBEC806E8A5F02!1798/8FFBEC806E8A5F02!1805<br /> <br /> DuLacSourire
V
Je suis encore en émoi après cette douce et saisissante lecture. Du début à la fin captivée et en soupçon de nostalgie un si bel Amour devrait vivre bien plus qu'une saison, cela dit, en méditant ces mots si bien posés, un parfum subsiste en doux murmure souriant ... cet Amour d'une saison, ne meurt pas vraiment, il passe dans un monde autre de brumes encensées et danse en nuées harmonieuses pour l'Eternité...
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